Selon l’INSEE, et tout pris en compte, notre pays compterait plus de 11 millions de personnes pauvres. Soit plus de 16% de notre population, qui ressent un état de pauvreté financière entrainant privations et carences. Mais qui est-elle donc, cette personne parmi cinq que je croise dans la rue qui se trouve marqué dans sa chair en n’arrivant pas à joindre les deux bouts?..
Il y a bien ça et là, devant quelques commerces une personne assise avec un chien que j’identifie facilement comme très précaire… Effectivement, plus de 300 000 personnes sans domicile fixe permanent, ça commence à se voir. Et conclure à un choix de vie en plein hiver pour tout le monde pourrait pour le moins sembler abusif…
Complétant ce panorama, 2,2 millions de personnes sont dans l’attente d’un logement social. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre?.. En l’occurrence et vu les temps d’attente, dans bien des cas il serait plus juste de parler de désespoir de cause.
Et donc, nous constatons que la précarité s’enracine et que la pauvreté gagne du terrain. Que les deux complices ont d’ailleurs choisi leurs sponsors. La tente Quechua (prononcer “quête-choix”, la mal nommée…) ne semble t-elle pas déjà plus à sa place sur les trottoirs que dans les campings?… Que les dispositifs sociaux d’urgence qui fleurissent et n’ont jamais été si nombreux n’arrivent déjà plus à endiguer cette marée qui semble immuable. Et les cassandres qui nous annoncent des épisodes cévenoles d’immigration climatique à venir noircissent encore le tableau.
Et à part cela?.. Tout va très bien Madame la Marquise… Avec la crise COVID comme une aubaine, notre bon CAC 40 a franchi les 7200 points et le chômage semble diminuer comme peau de chagrin… Et le marché immobilier?… Un marché fluide, des taux bas, historiquement florissant! 23% de transactions supplémentaires d’une année sur l’autre… Pour ce qui est de la location, le marché reste certes tendu, mais le pouvoir d’achat locatif des locataires tend à se stabiliser. Ainsi, quand on pouvait choisir son domicile, on continue à le faire, quand on bénéficiait d’un logement social c’est encore le cas, et quand on était à la rue, on continue de l’être aussi…
Deux mondes persistent à s’ignorer la plupart du temps, mais qui cohabitent pourtant. Les plus humbles dont les voix ne portent pas assez haut et fort s’époumonent, impuissants devant les mieux nantis à l’ouïe un peu dure qui pensent un peu trop souvent se suffire à eux même. Et comme pour concilier la chèvre et le chou, une armée d’acteurs sociaux abandonnent aux premiers des subventions et aux seconds des niches fiscales. Les précaires le restent, et l’économie de marché poursuit son chemin, la conscience de chacun fait le reste… La société avance ainsi, en s’évertuant à raccorder les deux bouts. Jusqu’à quand?..